Soutenir la nouvelle génération de leaders de la petite enfance
Sur la base d’entretiens avec : Lynette Aytch, Directrice, Institut de développement du leadership, Zero to Three, Washington DC, États-Unis ; Mark Elliott, Directeur du Programme Global Leaders, World Forum Foundation, Washington DC, États-Unis ; Anita Gurgel, Consultante en éducation, Africa Early Years Fellowship, Banque mondiale, Washington DC, États-Unis & Kay Lankreijer, Coordonnatrice de programme, Fondation Bernard van Leer, La Haye, Pays-Bas
Étant donné que le discours est passé de « Pourquoi investir » dans la petite enfance à « Comment investir », nous avons besoin de leadership dans la petite enfance pour défendre, mettre en œuvre et faire avancer les choses afin de fa- voriser une avancée décisive à grande échelle. Un nombre croissant d’initiatives répond à ce besoin. Plus tôt dans l’année, l’Africa Early Years Fellowship de la Banque mondiale a accueilli la première cohorte de participants, et la fondation Bernard van Leer a organisé une seconde semaine de cours résidentiel axé sur l’élargissement des initiatives en faveur de la petite enfance, à l’école gouvernementale John F. Kennedy de l’Université d’Harvard. Ces initiatives rejoignent deux autres programmes de leadership plus anciens : le programme de 18 mois Zero to Three, qui existe depuis 1981, et le programme Global Leaders sur deux ans de la Fondation du Forum Mondial, initié en 2004.
Comme le note Mark Elliott, directeur du Programme Global Leaders : « Le leadership oriente les politiques, les pratiques et l’innovation, sans leadership les actions sont nulles ». Lynette Aytch, directrice de l’Institut de développement du leadership, Zero to Three, avance que le leadership se présente sous diverses formes. Selon elle :
Les leaders ne sont pas que d’éminents académiciens et des figures politiques. Chacun peut être un leader dans son propre contexte. Il existe des praticiens qui proposent des services, des chefs d’entreprise qui attirent l’attention sur la petite enfance au d’autres chercheurs qui nous ouvrent les yeux sur le développement de l’enfant. Les membres de Zero to Three proviennent de contextes différents, mais ils ont tous la capacité de devenir des catalyseurs du changement et mobiliser les autres autour d’une vision partagée.
Lynette poursuit : « Il peut s’avérer difficile de trouver un financement pour le développement du leadership parce que l’on part du principe selon lequel « on ne devient pas leader, on naît leader ». Cela explique peut être l’observation de Mark Elliott : « Je suis en partie surpris qu’il n’y ait pas davantage de travail réalisé en termes de développement de leadership auparavant ».
En résumé, les quatre initiatives servant actuellement ceux qui aspirent à devenir des leaders dans le domaine de la petite enfance sont :
- Programme Zero to Three Les participants définissent un « plan d’action » personnel qui se poursuit sur 18 mois, avec l’aide de réunions virtuelles mensuelles, de quatre retraites en personne, coaching et mentorat. L’actuelle cohorte comporte 15 participants. Depuis 1981, plus de 280 professionnels venant des États-Unis et de 9 autres pays ont complété le programme.
- Global Leaders for Young Children Une formation de deux ans avec des réunions virtuelles et en personne, qui a pour but de développer une communauté de défenseurs des jeunes enfants. L’actuelle cohorte comporte 33 participants provenant de 21 pays. Depuis 2004, plus de 200 personnes de 61 pays y ont participé.
- Scaling Early Childhood Initiatives (Élargissement des initiatives en faveur de la petite enfance) La fondation Bernard van Leer finance une semaine de cours résidentiel à l’école gouvernementale John F. Kennedy de l’Université d’Harvard et en est à sa seconde année. Le cours inaugural de 2016 comptait 40 participants et 44 personnes y ont pris part en 2017.
- Africa Early Years Fellowship La première cohorte de 20 participants a commencé à travailler en mars 2017 sur un contrat initial d’une année avec la Banque mondiale sur la petite enfance, avec un apprentissage virtuel et en personne ainsi qu’un mentorat.
Des leaders de diverses origines
L’enthousiasme des participants demeure intact. Lorsque le Partenariat d’apprentissage de la petite enfance de la Banque mondiale a annoncé son programme inaugural d’Africa Early Years (AEY), par exemple, il a reçu 3000 demandes. Selon Anita Gurgel, qui dirige le programme :
Nous avons ciblé les jeunes professionnels, âgés de 25 à 40 ans venant d’Afrique et basés en Afrique. Ils venaient d’horizons très divers. Certains sont médecins ou infirmiers, d’autres sont enseignants ou ont des doctorats en éducation. Nous disposons d’économistes, de spécialistes du financement de la santé, d’experts en protection de l’enfance, de professionnels de santé publique et de nutrition, de professeurs d’université, d’ entrepreneurs et d’auteurs, de travailleurs des services d’urgence avec une expérience des camps de réfugiés, et d’anciens responsables gouvernementaux de différents ministères au service des mères et des jeunes enfants.
Parmi les candidats, 20 ont été choisis et sont répartis dans 14 pays d’Afrique. Un peu plus tôt cette année, ils ont commencé un contrat initial d’un an, qui peut être prolongé d’une année, avec plusieurs programmes multisectoriels axés sur la petite enfance, en collaboration avec une équipe de la Banque mondiale pour appuyer le gouvernement de leur pays. Le travail est combiné avec un développement professionnel incluant un mentorat, une orientation de dix jours à Washington DC, une expérience de travail sur le terrain d’une semaine, des ateliers en personne et un cours en ligne sur la science de la petite enfance, en partenariat avec l’Université Aga Khan.
Selon Gurgel :
Les gouvernements africains demandent de plus en plus l’aide pour accroître les investissements en matière de petite enfance et la demande des parents augmente également. Cependant, offrir ces services à grande échelle et avec la qualité requise n’est pas une tâche simple même pour les pays développés, elle l’encore moins pour les pays en voie de développement. Le programme renforcera la capacité des participants à conseiller et à soutenir les gouvernements des pays africains pour la prise en charge des services aux jeunes enfants et leurs familles, en réduisant la dépendance à l’égard de l’assistance technique étrangère.L’autre objectif du programme consistait à valoriser le profil du secteur de la petite enfance auprès des jeunes professionnels africains, en leur démontrant que celui-ci peut être un domaine d’étude et de travail viable et prestigieux. Le programme offre d’importantes opportunités d’apprentissage sur l’emploi et une croissance professionnelle. Les programmes visant à préparer les jeunes chefs d’entreprise sont devenus courants depuis de nombreuses années et le secteur social apprécie de plus en plus la valeur de l’investissement dans le développement de professionnels compétents à travers les programmes de leadership.
Bien que le Programme AEY ne soit que le seul des quatre programmes ayant une portée explicitement régionale, Mark Elliot explique que le programme Global Leaders :
s’oriente de plus en plus vers une perspective régionale, en travaillant en étroite collaboration avec les réseaux régionaux axés sur la petite enfance tels que l’ARNEC (Réseau régional pour la petite enfance de l’Asie Pacifique), l’ISSA (Association internationale pas à pas) et le Réseau africain pour la petite enfance (AFCAN). Il s’agit là de la troisième cohorte organisée autour de réseaux régionaux.
Réunir les partenaires pour élargir la portée des initiatives
Cependant, le cours résidentiel d’une semaine de la fondation Bernard van Leer sur le leadership et l’élargissement des initiatives de la petite enfance en partenariat avec l’école gouvernementale John F. Kennedy de l’Université d’Harvard a été à l’origine inspiré par une initiative nationale pour les participants du Brésil dirigée par la Fundacão Maria Cecilia Souto Vidigal et le Centre Harvard sur le développement de l’enfant. Ce cours axé sur l’enseignement de la neuroscience relative au développement de la petite enfance compte des élèves de la Chambre fédérale et du Sénat, de différents partis politiques qui ont élaboré ensemble une nouvelle loi en faveur du développement de la petite enfance et des maires de municipalités qui ont commencé à mettre en œuvre des politiques municipales pour les jeunes enfants.
Le succès du cours du Brésil a inspiré le développement d’un cours à l’échelle mondiale avec un accent particulier sur l’accroissement des initiatives en faveur de la petite enfance. Le cours est à sa deuxième année sur les cinq prévues. À cet article d’Early Childhood Matters, vous pouvez lire l’expérience d’un participant au cours 2016, Erik Steegers du programme Mothers of Rotterdam (Mères de Rotterdam). Kay Lankreijer, Coordonnatrice de programme à la Fondation Bernard van Leer, explique que :
Les participants viennent du monde entier en groupes de cinq ou sept personnes travaillant sur une initiative spécifique.
Nous veillons à inclure des représentants de l’ensemble des partenaires impliqués dans l’accroissement de cette initiative ou plus spécifiquement, des éléments fonctionnels de cette initiative (gouvernement, entreprises, fondations, milieu universitaire, société civile). Il y a un travail réalisé en amont avant les six jours à Harvard, tous les participants viennent donc avec des défis pratiques pour discuter autour d’un cas réel sur lequel ils travaillent.
Le cours est réparti en une série de conférences fournissant différents cadres analytiques pour réfléchir sur l’élargissement des initiatives et une autre série qui aborde les compétences spécifiques requises pour la mise en œuvre de cet élargissement comme le leadership, le développement de l’esprit d’équipe et la persuasion. Chaque après-midi, les équipes travaillent sur le perfectionnement de leurs plans d’élargissement et le présentent ensuite à l’ensemble du groupe à la fin de la semaine. L’objet étant d’amener les participants à réfléchir sur des questions telles que le contexte requis pour l’élargissement, la manière d’assurer des flux de financement fiables, la façon de veiller à ce que les nouveaux travailleurs de première ligne perpétuent les éléments du programme qui l’ont rendu efficace et la façon de mesurer et de suivre son impact à grande échelle.
Michael Feigelson, directeur exécutif de la Fondation, ajoute que :
Nous pensons que la transition des idées effectives à grande échelle est la prochaine étape du développement de la petite enfance. Notre objectif était d’élaborer un cours qui donnerait aux personnes qui œuvrent dans ce sens l’opportunité de prendre du recul, de réfléchir et d’élaborer des plans, et ainsi, de bâtir une communauté de leaders s’attaquant aux difficultés de l’élargissement et les surmontant ensemble.

L’avenir du leadership
Les participants au cours de Harvard doivent alors entreprendre un travail de suivi et un accent particulier sur le soutien aux étudiants compose également les autres initiatives définies. Mark Elliott de Global Leaders commente :
Des personnes avec une forte voix et d’excellentes compétences de plaidoyer peuvent faire avancer les choses en matière de petite enfance, et une grande partie du travail consiste à bâtir une communauté qui peut s’entraider en ce sens. Plusieurs leaders actuels des réseaux régionaux faisaient partie de nos cohortes précédentes. Notre devise est : « leader mondial un jour, leader mondial pour toujours ».
Zero to Three est également un puissant réseau qui connecte les membres actuels entre eux mais également avec les anciens membres. En 2012, l’Académie Zero to Three Fellows a été mise sur pied afin d’aider les anciens étudiants à développer leurs relations et tirer parti des ressources, de l’expertise et de l’influence pour leur avantage et appui mutuel. Plusieurs étudiants du programme occupent des postes supérieurs dans le domaine de la petite enfance.
Comme l’explique Lynette Aytch, l’objectif de Zero to Three Fellowship a évolué au fil des années afin de prendre en compte les besoins changeants dans le domaine de la petite enfance :
Initialement, dans les années 80 et 90, l’accent était mis sur le mentorat des « créateurs de connaissances ». À la fin du siècle, cela a changé pour reconnaître le besoin sans cesse croissant de « diffuseurs de connaissances » afin de traduire la recherche scientifique vers une grande base de professionnels et le grand public.
Au cours des dernières années, notre ambition consistait à former des « agents de changement », avec un accent particulier sur le leadership flexible et la théorie de l’impact collectif, en d’autres termes, comprendre que le changement substantiel n’est pas accompli isolément, mais qu’il s’agit d’un effort collectif.
Le Zero to Three Fellowship et le programme Global Leaders s’étant unis au cours de Harvard et à l’AEY Fellowship, un plus grand nombre de leaders seront à l’avenir en mesure d’étendre les interventions en faveur de la petite enfance partout dans le monde, à tous les niveaux.